Grace à cette rubrique, vous pourrez me suivre, au grès des saisons et
de mon inspiration, dans la vie passée et présente de notre village. Souvenirs,
récits, anecdotes, recettes de cuisine… Quelques lignes pour vous faire partager
notre vie en Provence.
Par Marie-Françoise Vidal
"Planter le décor"
N'est-ce pas bien présomptueux de choisir ce titre pour la petite série de chroniques que je me suis promis d'écrire de mon village provençal?Cet en-tête évoque à coup sûr pour les connaisseurs les fameuses "Lettres de Mon Moulin" d'Alphonse DAUDET. Il avait écrit des pages délicieuses pour ses amis parisiens en s'installant dans un authentique moulin provençal près des Baux de Provence.
Plus modestement, bien sûr, je voudrais faire partager ce que
j'observe depuis ma petite terrasse.
C'est une terrasse de
maison de village qui n'a rien d'une terrasse classique donnant sur un
jardin. Non! C'est juste un petit poste d'observation niché entre les
maisons étagées sous la ruine de notre château médiéval. Je m'y installe
à la bonne saison, d'avril à septembre et à condition que le mistral
tempétueux ne souffle pas.
Ma terrasse d'à peine 10 mètres carrés s'ouvre sur un paysage qui m'enchante. Au premier plan se superposent les vieux toits inégaux des maisons que l'on domine. Puis la vue déborde sur ce mouvement montant des collines couvertes de parcelles de vignes. Enfin, en arrière plan, se dessine la longue ligne musicale des deux courbes asymétriques du Mont Ventoux. Ces trois bandes visuelles ont chacune leur propre graphisme et couleur. Celle des toitures est comme un tapis inégal de vieilles tuiles d'argile claire rehaussé de quelques cheminées. Celle des vignes offre les lignes géométriques des rangées parallèles du vignoble suivant les courbes du terrain. C'est un effet de faux damier tantôt austère et épuré l'hiver, tantôt vert l'été puis qui s'enflamme de rouge en automne. La dernière bande des reliefs lointains se colore toujours d'une note bleue ou mauve. Les écailles minérales des dentelles de Montmirail puis le sommet toujours blanc de notre "Géant de Provence" ajoutent une lumière à l'ensemble.
Face à ce paysage je suis face à l'Est; c'est donc l'occasion d'assister aux levers de soleil et aussi de pleine lune. Le spectacle se décale de gauche à droite puis dans l'autre sens à chaque solstice me permettant d'assister au ballet des saisons.
De ma terrasse, donc, je surplombe mon quartier. C'est une partie ancienne (dans notre maison une poutre est gravée 1311...) et modeste du village. Les habitants sont pour la plupart issus de vieilles familles de petits propriétaires; les nouveaux venus sont des travailleurs agricoles et depuis peu s'installent de jeunes couples fuyant la ville.
La population de ce quartier change donc inexorablement avec le départ des "anciens". Je n'entends presque plus le patois qui est la langue provençale teintée de particularisme local.
La vie du village suit l'évolution générale des mœurs et des habitudes de vie: chacun son travail, ses horaires, sa voiture, son sport, son loisir... ce qui change la convivialité -- Restent bien sûrs de bons moments de communauté villageoise mais rien qui puisse égaler ce que j'ai connu en 1968.
De mon perchoir les pierres me parlent car elles gardent les souvenirs. Contemplant mon village je le revois comme il était avec ses lenteurs, sa sécurité, le sentiment de faire corps avec lui et d'être dans une grande famille.
Voilà donc, le décor est planté. Je vous donne rendez-vous pour partager ces souvenirs, de petites anecdotes ou d'autres petits récits de la vie d'aujourd'hui.
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